Elaphe dione (Pallas, 1773)

Serpent-ratier des steppes

Colubridae, Colubrinae

Sous-espèce : aucune

Etymologie : de Dioné, la déesse grecque, mère d'Aphrodite. D'après Lacépède : "Il semble que c'est à la déesse de la beauté que Pallas a voulu, pour ainsi dire, consacrer cette Couleuvre [...]"

Description

Elaphe dione est une couleuvre petite à moyenne, de constitution robuste. La taille adulte est généralement comprise entre 70 et 80 cm, parfois jusqu'à 120 cm. Les femelles sont plus grandes et robustes que les mâles. La tête est élancée, peu distincte du cou. Le rostre est arrondi. La coloration est aussi variable que leur aire de répartition est étendue ; la couleur de fond peut aller du gris et gris marron au jaunâtre, jaune ou même rougeâtre. Des taches ou des lignes paires, généralement bordées de noir, forment le patron de coloration. Chaque flanc est aussi orné de taches plus petites. Le milieu du dos et les flancs présentent une ligne plus claire, plus ou moins marquée selon les populations. Les motifs de taches sont parfois peu ou pas visbles. La tête est ornée d'un dessin en forme de W plus ou moins fermé qui s'étend vers le cou et peut toucher la première rangée de taches dorsales. Une bande de même couleur relie les yeux via les écailles préfrontales, et continue derrière ceux-ci en bordant les supralabiales jusqu'à la commissure de la gueule. Les populations de Chine peuvent facilement être confondues avec Elaphe bimaculata.

Répartition et habitat naturel

E. dione a de loin l'aire de répartition la plus vaste des Elaphe. Elle peut être rencontrée des bords de la Mer Noire à l'Ouest aux côtes de la Mer du Japon à l'Est : Ukraine, Russie, Géorgie, Nord de l'Iran, Turkménistan, Ouzbékistan, Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizistan, Nord et Nord-Est de la Chine, Mongolie, Corée du Nord et du Sud. Sa présence est attestée du niveau de la mer jusqu'à 3500 m d'altitude.
C'est une espèce adaptative qui occupe des biotopes très divers à l'exception des déserts sableux, et souvent à proximité immédiate des installations humaines.

Statut des populations - réglementation

Au niveau mondial, Elaphe dione n'a pas encore été évalué par l'UICN. La Mongolie et la Corée du Sud, dans leur Liste Rouge respective, placent ce taxon dans la catégorie "préoccupation mineure" (LC). Il s'agit d'un des serpents les plus communs au Kazakhstan, en Asie Mineure et dans certaines parties de la Russie (Darevsky, 1997).
E. dione ne bénéfice pas de mesures de protection nationales ou internationales.
En France, cette espèce est considérée comme non domestique (à l'instar de tous les reptiles), sa détention au sein d'un élevage d'agrément est donc règlementée par l'arrêté du 08 octobre 2018. Un éleveur amateur peut ainsi posséder des spécimens d' E. dione sans autorisation préalable à condition de respecter les quotas fixés par cet arrêté. Dans tous les cas cependant, la cession et l'acquisition (à titre gratuit ou non) doit être accompagnée d'un certificat de cession sur le modèle du CERFA 14367*01. Le détenteur de spécimens d'espèces non domestiques doit également tenir un registre sur le modèle du CERFA 15970*01.

Elevage

Cette espèce est assez discrète mais s'habitue rapidement à la présence du soigneur. Les réactions agressives sont rares, sauf chez les très jeunes individus. Son mode de vie est terrestre, son activité diurne.
La taille modeste de cette couleuvre permet de l'héberger dans un terrarium de dimensions moyennes. Une enceinte de 60x40x30 cm (Longueur x largeur x hauteur) est suffisante pour héberger un spécimen voire un couple dans de bonnes conditions.
Un chauffage modéré suffit pour obtenir 27 à 28 °C sur un tiers de la surface totale. Ce chauffage est coupé la nuit pour laisser la température descendre entre 17 et 20°C. Le substrat restera sec. Il est possible d'utiliser avec succès des éclats de bois blancs non résineux (hêtre, peuplier), du paillis de lin ou de chanvre, des copeaux dépoussiérés pour rongeurs, par exemple. Cette espèce aimant parfois fouiller le substrat, il est déconseillé d'utiliser du sable ou du gravier, abrasifs et susceptibles d'être ingérés. Des abris sont disposés dans les zones chauffées et non chauffées. Idéalement un abri en partie fraîche sera maintenu légèrement humide, il sera régulièrement visité en période mue et pourra servir de boîte de ponte. Même si l'espèce grimpe rarement, quelques branches lui permettront de s'adonner ocasionnellement à cette activité. Un abreuvoir sera disposé dans la partie fraîche. E. dione ne se baigne que rarement, généralement lorsque la température excède 30°C ou s'il y des acariens parasitaires.
Dans son milieu naturel E. dione consomme principalement des rongeurs, des lézards, des oiseaux et leurs oeufs, plus rarement des grenouilles ou des serpents, voire des insectes. En captivité les souris sont consommées sans difficultés, sinon avec empressement. E. dione est capable de maîtriser et d'avaler des proies assez larges (souris adultes), mais il est conseillé de lui offrir des proies de taille adaptée, préférentiellement présentées mortes. On peut aussi lui proposer des oeufs (de perruches ou de cailles) de temps en temps. La coquille est cassé par une torsion du cou ou en se frottant sur un élément du décor, mais n'est pas régurgitée comme c'est le cas des serpents mangeurs d'oeufs (Daypeltis sp.). Les femelles consomment généralement plus de nourriture que les mâles.

Reproduction

Comme pour beaucoup d'autres espèces de reptiles des zones tempérées, une période de repos hivernal est conseillée pour mener à bien la reproduction en captivité de cette espèce. Il y a cependant déjà eu des reproductions réussies sans baisse de température. Dans cette optique, connaître l'origine géographique des spécimens est d'une aide certaine pour cette espèce à très large répartition. La période "de repos" est une période plus fraîche de 2 mois au minimum, qui a lieu en fonction des possibilités de l'élevage et du climat extérieur, généralement entre novembre et février. La température est graduellement abaissée jusqu'à des valeurs comprises entre 8 et 15°C, l'éclairage est réduit au minimum (pas d'éclairage artificiel).
Les animaux muent généralement 2 à 3 semaines après la fin de cette période, et s'accouplent à la suite. Ces accouplements se répètent pendant les semaines qui suivent. Lorsque les deux sexes ne sont pas séparés les accouplements peuvent avoir lieu jusqu'en automne, mais dans la plupart de ces cas la femelle stocke le sperme dans ses voies génitales (phénomène d'amphigonia retardata) et la ponte a lieu au printemps suivant.
La durée de gestation est longue mais n'est pas connue avec exactitude du fait des accouplements répétés. La ponte compte 3 à 8 oeufs (en moyenne 6), de forme allongée quasi cylindrique. Les dimensions des oeufs dépendent de la taille de la femelle et varient de 50 à 80 mm de long pour 20 à 30 mm de large. La masse des oeufs peut représenter jusqu'à un tiers de la masse de la femelle avant la ponte. L'incubation des oeufs est identique à celle d'autres colubridés d'élevage : 25 à 28 voire 30 °C et 80 à 90% d'humidité relative. Il est possible d'utiliser différents substrats d'incubation avec autant de réussite : vermiculite, tourbe, perlite, mousse naturelle, cubes de mousse expansée etc.
E. dione est une espèce connue pour la courte durée d'incubation de ses oeufs : celle-ci varie de 13 à 34 jours seulement en fonction de la température. Les juvéniles mesurent 25 à 34 cm à l'éclosion pour un poids voisin de 12g. Il est intéressant de remarquer la taille et la corpulence des juvéniles de cette petite espèce par rapport à d'autres espèces plus grandes et plus connues comme Pantherophis guttatus. Après la sortie complète de l'oeuf, ils sont placés dans des petites enceintes telles que des boîtes plastiques "Fauna-Box", aux mêmes températures que les adultes. Du papier absorbant est utilisé comme substrat, pour un meilleur suivi de la digestion et éviter l'ingestion accidentel de copeaux. Un abri et un point d'eau peu profond complètent l'installation. Maintenir légèrement humide le substrat sur une petite zone aidera grandement les juvéniles, sensibles à la déshydratation pendant leurs premières semaines de vie.
L'élevage des juvéniles est identique à celui d'autres espèces de serpents ratiers. L'alimentation, des foetus de souris proposés après la première mue, est acceptée sans difficultés dans la grande majorité des cas. Les jeunes bénéficieront d'une période de repos dès leur première année. La maturité sexuelle intervient à partir de la seconde année, parfois plus tôt : il est conseillé de maintenir les femelles seules jusqu'à ce qu'elles atteignent une taille raisonnable pour la reproduction ( 70 cm et plus).

Bibliographie

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